Pourquoi tant d’écrivains mélancoliques se sont-ils suicidés, alors qu’ils étaient déjà célèbres et en train d’écrire leurs œuvres les plus prometteuses ? Franz Kaltenbeck montre comment l’écriture est devenue mortelle en elle-même pour des auteurs comme Kleist, Stifter, Nerval, Celan, Foster Wallace. Alors que l’écriture d’une œuvre peut soutenir son auteur jusqu’à lui éviter la folie, comme on le voit chez Joyce et d’autres artistes, certains, au contraire, en meurent. C’est à résoudre cette contradiction, qui a dans chaque cas des coordonnées singulières, que s’attache Franz Kaltenbeck en lisant des écrivains mélancoliques célèbres du xixe au xxie siècle. Il les considère comme des puits de savoir sur leur mélancolie, longuement décrite à travers leurs fictions. Il s’appuie sur sa solide connaissance de Freud, dont il tire des arguments nouveaux grâce à Kafka. On comprend, à le suivre, que ce qui a d’abord résisté à la mélancolie chez ces auteurs a subi par la suite une défaite mortelle. L’écrivain américain David Foster Wallace met particulièrement ce phénomène en évidence : il dit qu’une catastrophe, qu’il identifie de loin sans pouvoir la maîtriser – la transformer – par l’écriture, l’attend au tournant comme un cyclone. À l’instar de Kleist, Stifter, Celan, Nerval avant lui, il s’est suicidé au sommet de son art.
"De l'écriture mélancolique. Kleist, Stifter, Foster Wallace", par Franz Kaltenbeck
Dernière mise à jour : 30 nov. 2021
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